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Carnets de route, chemins de vie
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21 octobre 2007

Histoires de Kosovars

Je tiens à préciser avant tout que tous les exemples cités ici sont issus de rencontres personnelles et correspondent à la réalité que j’ai pu observer au Kosovo. J’ai eu la chance de découvrir le pays avec Martine, qui y vit depuis 8 ans et qui parle l’Albanais. Ce témoignage est en quelque sorte un porte parole de tous ces gens que j’ai rencontrés qui voudraient que le monde soit plus conscient de la réalité aujourd’hui au Kosovo.

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Le Kosovo, c’est avant tout une culture très traditionnelle, qui s’accroche à sa tradition comme à la vie. C’est elle qui régit la société. L’hospitalithé, le café Turc, le chapeau Kosovar, enlever ses chaussures avant de rentrer dans les maisons, le Thé russe, accompagner l’invithé a la porte, la politasse avant la sincérithé, l’homme gère les affaires, la femme la maison, plus de sucre que de thé, ça discute autour du thé, ça palabre avec le café, les danses trad, les histoires de la guerre, les parties d’échec dans la rue,... c’est la tradition qui tient le pays.

Quoi d’autre pourrait tenir un pays en crise économique, sociale et politique depuis deux décennies, après une guerre atroce elle-même précédée d’une douzaine d’années de répression ethnique sans compter l’oppression du Kosovo à travers les siècles ? Ah si ! Peut être qu’en plus de la tradition, il faudrait un peu d’espoir. Mais celui-ci est en train de creuser sa tombe.
Deux caractéristiques du Kosovo : Les taux de jeunes et de chômage les plus élevés d’Europe. Pas 20% ni 40% mais 80% de chômage ! Rare sont ceux qui ont de l’argent. Pour survivre tout le monde cultive son jardin et fait ses magouilles. La meilleure solution est encore d’arriver à travailler en Europe occidentale ou aux Etats-Unis, si on ne se fait pas renvoyer par charter…

Le salaire d’un prof est de 180 euros, mais ils n’ont pas été payés depuis trois mois. Les directeurs d’école ont un travail de malade : arriver à donner cours à des milliers d’élèves, sans argent ! Alors on trouve des solutions, les enfants vont à l’école deux ou trois heures par jour et il y a des roulements… Les écoles sont absolument vides, dépourvues de tout matériel pédagogique. Les profs doivent donner cours à des élèves sans livres et sans cahiers, sans même une feuille pour faire des exercices de maths !

Au niveau administratif, c’est l’inertie la plus totale. Les Kosovars n’ont presque pas de pouvoir de décision, ils doivent rendre compte de chaque acte à l’UNMIK, la mission de l’ONU au Kosovo. Il y un énorme problème dans la manière dont l’UNMIK gère le pays et désinvestit les habitants locaux. Le directeur du Palais de justice m’a expliqué qu’il est sensé faire des rapports à l’ONU chaque mois sur l’ensemble des affaires traitées, et qu’il paye des taxes s’il ne le fait pas. Faute de temps et de moyens, le Palais de justice devrait payer le double de son budget en taxes à l’ONU ! Et les besoins de justice sont considérables, il s’agit d’un travail de Titan : En plus des affaires courantes, le tribunal doit s’occuper de toutes les questions d’après guerre, de la transitions d’une organisation communiste a un système capitaliste, des nombreuses magouilles politico financières, et du terrorisme naissant…

Il y a énormément de problèmes concernant l’immobilier. Entre les Serbes qui se sont enfuis, les Albanais qui se sont fait brûler leur maison, les émigrés, les occupations illégales, la privatisation du domaine public… un vrai chaos.

Les tensions politiques entre les différents partis qui se disputent le pouvoir contribuent aussi largement au désordre général. Les Albanais fonctionnent de manière tribale, chaque parti est un regroupement de familles puissantes qui défendent leurs intérêts.

Au Kosovo, la vengeance par le sang fait partie du langage courant des Albanais, et moins on en sait, mieux on se porte.

J’ai rencontré une famille dont le père tente d’obtenir le statut de réfugié politique en France. Il a subit des tentatives de kidnapping pour des histoires politiques et sa famille risque le pire à chaque instant.

La corruption est monnaie courante, et personne n’y trouve rien a redire : chacun sa stratégie pour survivre.

Les cybercafés sont plein a craquer de jeunes qui n’ont rien d’autre a faire que de jouer à la guerre et de faire mumuse avec la Webcam et la blondasse du village d’a coté. (Vous me direz, c’est pareil chez nous !)

Les Kosovars adorent parler, et faut pas les bousculer, d‘abord le thé, après on voit ! Toutes ces années d’immobilisme ont aussi inscrit des habitudes pas forcément traditionnelles.

La connerie internationale fait que les ONG sont arrivées en masse pendant l’état d’urgence, elles ont payé des salaires de barges aux locaux pour des actions éphémères, puis sont reparties sauver les enfants du Darfour. Maintenant il n’y a plus d’ONG, mais tout occidental représente pour eux une mine d’or. C'est-à-dire qu’il n’y a pas moyen de les investir bénévolement dans un projet humanitaire sans qu’ils ne demandent de l’argent en accusant de cacher des donations… Sans parler du rêve occidental : Un français représente pour eux un bon plan pour obtenir une invitation et un visa, ce qui équivaut a un ticket pour le Paradis. J’ai beau leur expliquer que Sarko, il est pas trop chaud pour donner des tickets et que de toute façon c’est peut être pas la meilleur solution, leur motivation est presque compulsive.

Chez les enfants,  on sent le traumatisme à fleur de peau. Même physiquement ils paraissent toujours plus jeunes qu’ils ne le sont. Chaque famille a perdu des proches pendant la guerre, souvent sous les yeux des enfants (viols, tortures, exécutions,…)

Voici l’histoire des membres de la famille qui furent mes voisins et mes amis pendant deux semaines, que j’ai compris par bribes, des discussions autour du thé à la visite de leur village…

Après avoir travailler 6 ans en Allemagne, Yahi, le père, rentre au pays avec 80 000 Marks pour construire une maison. Bientôt, la guerre éclate. Un jour, les Serbes, qui passaient par là, le croisent sur son cheval. Naturellement, ils lui tirent dessus, mais c’est le cheval qui prend le plus gros. Pendant ce temps, les soldats rentrent dans la maison, violent la mère, la torturent et menacent de tuer les enfants si elle ne donne pas le magot. Plus tard, ils reviennent, font prisonnier le père et brûlent leur maison.

Après avoir squatté plusieurs maisons (souvent les albanais ont squatté les maisons abandonnées par les Serbes), ils arrivent dans celle ou ils sont maintenant.

Hier, le propriétaire est venu pour les virer. Ils ne savent pas où ils vont passer l’hiver.

Mais les enfants sont très actifs dans le projet Cirque, et le père a décidé de renvoyer sa fille à l’école.

A Suivre…

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